L’art ne traite jamais que de trois choses: l’amour, la mort et l’art. Quel que soit le bout par lequel on prenne une œuvre, quels que soient les galons dont on la chamarre, l’art s’y résout toujours. Ce sont là, du moins, les seuls sujets qui vaillent. L’Œuvre entretient un dialogue avec ces trois constellations dont les contours amibiens autorisent un nombre infini de redéfinitions. Esthétique. Physique. Métaphysique. Le questionnement a l’âge de l’homme. Pourtant, il y a toujours tout à recommencer. Et le chef-d’œuvre, quand il survient miraculeusement, est cette œuvre qui cristallise le Zeitgeist, « l’esprit du temps ».

Selon moi, la possibilité d’une métaphysique, de nos jours, paraît compromise. Du moins faut-il la chercher en dehors des circuits traditionnels que sont les religions. L’artiste aujourd’hui est l’enfant du capitalisme et du désenchantement spirituel qui en est le corollaire. Le corps ne s’épanouit jamais que dans la souffrance ou dans une forme de grande santé morbide (le bio, la diététique, les OGM, etc.). Nous savons désormais que nous naissons à la maladie dont seule la mort nous délivre. C’est le pendant pathétique de l’Âge d’or Romantique. Aussi, l’Artiste maudit pourrait être la meilleure incarnation de notre époque s’il n’était tragique. L’être peignant, désormais, se doit d’être seulement ça : être peignant, pour le meilleur et pour le pire. Il faut fuir les interprétations qu’encouragent nos sociétés en mal de héros pour nous recueillir dans l’acte autotélique, cet acte en soi qui trouve en lui-même sa raison d’être. La spontanéité de l’acte artistique permet, dans sa fulgurance, de saisir l’émotion à quoi se résume l’âme de l’artiste et d’entraîner avec lui, tel le joueur de flûte de Hamelin, l’âme aliénée du spectateur. L’artiste a une mission orphique qu’il remplit grâce à une forme d’expressionnisme métaphysique vers lequel je tends.

L’ironie du paradoxe qui veut que l’acte pur fasse toujours l’objet de longs discours ne m’échappe pas. Mais, souvent, l’œuvre, si immédiate, si « brute » soit-elle, est l’aboutissement de fort longues méditations. Ma recherche artistique est mue par un désir de silence et de jaillissement émotif. L’œuvre seule est l’antidote à l’anesthésie de nos pulsions primitives. L’œuvre pour moi devient cet Oméga qui aménage des boucles sémiotiques aberrantes, l’artiste une figure psychopompe. Embarqué dans l’aventure de l’œuvre, le spectateur n’est, au terme de son voyage, ni tout à fait le même ni tout à fait un autre.

Floor

Love, death and art – these are what art is all about. Whatever door into the artwork you choose to open, whatever trimming you might want to furnish it with, art always ends up boiling down to just those three. They, at least, are the only ones that matter. Aesthetics. Physics. Metaphysics. The Artwork relates to those three constellations whose amoebic outlines allow all kinds of redefining. The questions are as old as Man himself. Yet one must start from scratch each and every time. And a masterpiece miraculously comes about when the Zeitgeist finds itself translated into matter.

As far as I’m concerned, metaphysics today seems hardly an option. Unless we envision metaphysics as unhooked from the religious nail. Today’s artist is an offshoot of capitalism and the spiritual disillusionment that results from it. There's our rub. The body fulfills itself in pain or in extravagant, and thus morbid, health (take a wild guess, you cannot miss it: the organic syndrome, dietetics, heliotherapy, aromatherapy, and the likes). We now know that we merely get born to a debility it seems death only can cure us from. Our age mirrors pathetically the Romantic Golden Age. The accursed artist cannot embody our times: he is too tragic. We don’t deserve him. That's why the painter can be just that – a painter, for the best and worst alike. He/She must shun all and any sort of interpretation. Society craves for heroes but we must deny society that satisfaction to engage in the autotelic act that finds in itself its own purpose. Artistic spontaneity is the key to the emotion that is all there is of the artist’s soul. Aesthetic emotion may act as the Pied Piper of Hamelin on the alienated soul of the viewer and sweep it along. The artist has an orphic mission that is best carried out by a form of metaphysical expressionism that I strive for.

I am fully aware of the paradox according to which the deed pure and simple is a matter of lengthy discourse. But, quite often, the artwork, no matter how immediate, how “raw” it is, is the result of expanded meditation. My artistic quest is driven by a desire for silence and emotional outburst. Art may very well be the sole antidote to the deadening of our primitive drives. To me, art is the Omega that makes for aberrant semiotic loops, the artist a psychopomp figure. Aboard the work, the viewer is embarked on a journey which leaves him neither completely the same nor completely different.